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近刊
ジャック・デリダ『ハイデガー 存在の問いと歴史(1964-65年、高等師範学校講義)』、トマ・デュトワ編、マルグリット・デリダ協力、ガリレ社、2013年10月、272頁。
Jacques Derrida, Heidegger: la question de l’Être et l’histoire: cours de l’École normale supérieure, 1964-1965, dir. Thomas Dutoit; collab. Marguerite Derrida, Galiée, 2013.10, 272p.



ジャック・デリダの高等師範学校での1964-65年講義が『ハイデガー 存在の問いと歴史』としてガリレ社から2013年10月に刊行される。デリダのセミネールは晩年の『獣と主権者』『死刑』の3巻がすでに公刊されているが、今度は初期デリダによるハイデガー講義が刊行されることになる。

監修はリール第三大学英文学科のThomas Dutoitで、デリダ夫人Margueriteも協力。Dutoit氏は『名を救う』や『アポリア』などの英訳者で、『死刑セミネール』の監修も担当している若手だ。Dutoit氏によれば、編集・出版作業には3年ほどかかったようで、デリダのセミネール刊行は本当に時間がかかるので、ネット上で草稿を公開した方がよい、とのことだった。

ドミニク・ジャニコーのインタビューによれば、デリダはアルジェリアの高校時代(1947年)に、サルトルの『存在と無』を通じてハイデガーの存在を知り、『存在と時間』の仏訳を断片的に読み始めた。学校の小論文では否定の根源の問いをめぐって『形而上学とは何か』を引用したこともある。デリダが本格的にハイデガーの原書を精読したのは1952年に高等師範学校に入学してからだった。1960-64年、ソルボンヌ大学での助手時代にデリダは『カントと形而上学の問題』を使用して「アイロニー、疑い、問い」に関する講義をおこなう。『形而上学とは何か』を用いて可能性や否定に関する話をしており、デリダがにもっとも継続的かつ体系的にハイデガーを精読したのはこの時期らしい。

高等師範学校の講師となったデリダが、最初におこなった講義がこの「ハイデガー、存在の問いと歴史」(全9回)だった。4年間の助手時代は多様な主題の講義を強いられたが、デリダが初めて自分の講義を担当し、研究成果としてハイデガーを集中的に講じた(参加者は20-40名ほど)。

この講義原稿は「歴史の問い」という表題でミニュイ社から出版が予定されていたものの結局未刊に終わっている。「クリティック」誌に近刊情報も出ていた幻の処女作で、デリダ自身が単著作として書き直せなかったためとされている。講義原稿はすべて完成しており、コスタス・アクセロスは出版を念押ししたが、刊行されなかった。だが、後のハイデガー論の主題群の萌芽がこの講義に散種されており、『存在と時間』の未完問題、エクリチュールや隠喩への固執などが披露されている点で重要である。

講義では、ヘーゲル、フッサール、ルナン、ニーチェを参照しつつ、『存在と時間』の未完問題を肯定的に解釈し、歴史や言語の問いをめぐって、現前性の形而上学が脱構築される。また、講義中に披露される、デリダ自身による『存在と時間』の要所の仏訳も気になるところである。

西山雄二(本書刊行の情報は「フランス図書」様からいち早く教えていただきました。感謝申し上げます。)



ガリレ出版社からの告知文

Jacques Derrida,
Heidegger : la question de l’Être et l’histoire
Cours de l’École normale supérieure-Ulm, 1964-1965
Sous la responsabilité de Thomas Dutoit, avec le concours de Marguerite Derrida
Éditions Galilée

En neuf séances distinctes, de novembre 1964 à mars 1965, Jacques Derrida enseigna ce cours à l’ENS-Ulm. 1964-1965 fut la première année où Derrida occupait le poste en philosophie de caïman, agrégé-répétiteur, à côté du seul autre collègue en philosophie, Louis Althusser. Il est important de préciser que l’intitulé du cours, Heidegger : la question de l’Être et l’histoire, relève uniquement du choix de Jacques Derrida. Il s’agit d’un cours émanant de ses propres travaux de recherche, d’investigation et d’enseignement, et non pas d’un cours du programme de l’agrégation.

Devant un auditoire comportant entre 20 et 40 personnes, élèves de l’ENS, étudiants d’université et auditeurs libres, Derrida y entame une nouvelle étape dans sa carrière d’enseignant, après les quatre années passées en tant qu’assistant en philosophie à la Sorbonne. À l’ENS, Derrida enseignera un cours hors programme d’agrégation et un cours du programme, après l’année 1964-1965, tandis que précédemment, en tant qu’assistant à la Sorbonne, Derrida avait la responsabilité de couvrir un large nombre de thèmes, problèmes ou topoi de l’histoire de la philosophie, avec la liberté de choisir ces sujets et de construire ses programmes à sa guise.

Un rapide survol des axes du cours sélectionnera les suivants : Derrida prend comme point de départ la « destruction » heideggerienne du privilège d’une conception de l’Être, fondée sur une pensée du temps comme présence ; le cours de Derrida situera la « destruction » heideggerienne par rapport à la réfutation hégélienne, et les analyses de Heidegger autour de la notion du temps, de la différence entre Être et ontologie, et du dépassement de la philosophie seront constamment mesurées aux pensées de Hegel et de Husserl, voire de Renan ; dans un texte qui se lit en 2011 comme un prototype de la « déconstruction » qui, en 1964, ne fait que commencer, Derrida introduit très explicitement la notion de greffe, par contraste avec la notion non interrogée de racine, voire de source ; il analyse longuement les spécificités du Da-sein, l’insérant déjà dans un Fort-Da ou un Fort-sein ; la subjectivité transcendantale est constamment ébranlée ; il extrait minutieusement la notion d’histoire chez Hegel, en opposition avec Heidegger (et Nietzsche) ; le rôle du langage et de la langue est explicitement analysé à partir de Renan, de Hegel, de Husserl (le cours est, bien sûr, postérieur à l’Introduction que Derrida avait consacré en 1962 à L’Origine de la géométrie de Husserl) et de Heidegger ; il traduit presque toujours Heidegger, et donne ainsi une lecture, sa lecture de Heidegger aux lecteurs ; il élucide l’échec de la tentative, par Heidegger, de passer par le temps, et non pas par l’histoire ; l’inachèvement de Être et temps est interprétée d’une manière affirmative qui reste probablement, même en 2011, d’une grande nouveauté.

La teneur intrinsèque de la lecture soutenue de Être et temps de Heidegger qu’entreprend Derrida dans ce cours est loin d’être sa seule valeur. Car Heidegger : la question de l’Être et l’histoire nécessitera le réexamen de plusieurs champs d’investigation :

1) Le plus évident est une comparaison entre les percées nombreuses de Jacques Derrida au sein du projet heideggerien (par ex. : l’interprétation derridienne de l’inachèvement de Être et temps ; l’insistance derridienne sur le rôle de l’écriture et de la métaphore dans Être et temps ; la notion d’auto-transmission dans Être et temps remarquée et développée par Derrida ; etc.) et les contributions, notamment allemandes et françaises, souvent très postérieures car datant des années 1970, 1980, voire 1990 ;

2) Le lien entre ce cours et la pensée derridienne telle qu’elle existe dans ses publications. Ici, il ne s’agit pas seulement de voir comment la pensée de Derrida se met en place et installe ses concepts majeurs (« écriture » ; « texte » ; voire même « déconstruction », qui est un terme qu’il écarte dans ce cours à la faveur d’autres qui, eux, ne seront pas retenus par la réception de son travail ; sans parler de la référence à l’écriture selon la psychanalyse de Freud, explicitement développée dans ce cours). Il s’agira aussi de voir comment Heidegger : la question de l’Être et l’histoire annonce, de manière explicite, les futures analyses de l’œuvre de Heidegger qu’écrira Derrida non seulement dans les années immédiatement postérieures (dans De la grammatologie, certes, publié sous forme de livre en 1967, ou dans « Ousia et grammé », écrit et publié en 1968 puis de nouveau en 1972), mais aussi beaucoup plus tardivement, à savoir dans ses autres études consacrées à Heidegger, telles que De l’esprit. Heidegger et la question (1987), « Geschlecht I. Différence sexuelle, différence ontologique » dans Psyché II (1987) et Apories (1993 en anglais, 1996 en français), qui se liront comme ayant été indiquées déjà dans ce cours de 1964-1965 ;

3) La place de ce cours dans l’enseignement de Jacques Derrida (largement non publié encore).

Avec cet ouvrage, nous nous inscrivons non seulement dans le projet de publication des séminaires de Jacques Derrida (dont trois volumes ont déjà vu le jour), mais aussi dans la lignée d’autres publications de ses écrits du début de sa carrière d’étudiant et d’enseignant. En effet, la publication, à l’initiative de Françoise Dastur et Didier Franck, et réalisée par Elisabeth Weber, de son mémoire de maîtrise écrit en 1953-1954, intitulé Le problème de la genèse dans la philosophie de Husserl (PUF, 1990), représente déjà un exemple de la haute teneur des écrits de Derrida, plus de dix ans avant Heidegger : la question de l’Être et l’histoire. Ce cours de 1964-1965 est postérieur à son essai sur Levinas (« Violence et métaphysique ») et à sa conférence sur Foucault (« Cogito et histoire de la folie »), et presque simultané avec sa conférence au séminaire d’André Green (« Freud et la scène de l’écriture »), publiés dans les mêmes années.

Avec cette publication, nous concrétisons aussi un souhait de Jacques Derrida, formulé à plusieurs reprises. Un projet de livre, qui allait reprendre ce cours, avait été conçu par lui, comme il l’explique à Dominique Janicaud : « Quand j’ai commencé à être caïman à l’École, mon premier cours, qui n’a jamais été publié, était sur “L’histoire chez Heidegger” ; c’était en 1965-1966. À ce moment-là, d’ailleurs, je pensais écrire un livre sur Heidegger, qui a été annoncé chez Minuit. Je ne l’ai jamais écrit. Titre annoncé : La Question de l’histoire. »

Thomas Dutoit